mardi 9 octobre 2012

Un petit clin d'oeil vers le passé


Lundi 08 Octobre 2012
Je suis une jeune femme, née un certain 15 mai à Tunis (Mutuelle ville).
J'ai grandi et fait mes premiers pas à Ezzahra dans l'amour de ma famille (grands-parents, parents, tantes, oncles) avant de partir dans le Sud tunisien à Tozeur, où mes parents étaient installés pour travailler.
Mes premiers temps furent difficiles pour une fille timide et réservée que j'étais; car je représentais la tunisoise qui débarquait à Tozeur.
On critiquait tout: mon accent, ma façon de parler, ma façon de m'habiller, le fait que mes parents étaient "modernes" (par exemple ma mère qui était cadre se baladait en jeans et ça pouvait choquer) etc
On disait toujours "bent Bechaouch": "la fille de Ben Chaouch" car la famille de mon père était installée à Tozeur depuis des années et très connue. Mon grand-père que je n'ai malheureusement pas connu était quelqu'un de spécial visiblement. Jusqu'à aujourd'hui, vous pouvez vous balader dans les rues de Tozeur et demander aux marchands ou aux passants s'ils le connaissent, ils vous inviteraient à boire le thé et passeraient des heures à vous parler de lui, souvent les larmes aux yeux.
La famille de ma mère l'adoraient aussi, ce fut quelqu'un.
Après m'avoir fait un test à l'école primaire, qui était à 10 minutes de la pharmacie de ma mère, on décida de me faire sauter une année et j'entrai aolrs directement en 2ème année.
Cette année fut le début de longues histoires d'amitié, d'amour, de belles rencontres, de découvertes inoubliables et d'innombrables souvenirs.
Quand j"habitais à Tozeur, j'attendais avec impatience le vendredi (ou samedi) des vacances où mes parents passaient me prendre à l'école, puis au collège, puis au lycée, pour partir vers Tunis, Tunis la ville des sorties, la ville où mes cousins / cousines s'éclataient car ils pouvaient faire ce qu'ils voulaient, ils pouvaient sortir, entrer en conservatoire pour apprendre un instrument de musique, faire les boutiques d'El Menzah etc.
Mais aujourd'hui, bizarrement, j'ai beaucoup de nostalgie pour cette ville et ses habitants.
Aujourd'hui, je me rends compte que même si je n'ai pas forcément vécu ce que mes cousins ont vécu à Tunis, j'ai vécu d'autres choses différentes. J'avais, et j'ai, des amis jusqu'à ce jour, des amis de 25 ans!! et ceci est très rare. Nous avons vécu des choses différentes, suivi des chemins différents, sommes devenus des personnes différentes avec des envies parfois opposées mais il y a quelque chose d'unique qui nous unit: l'amitié, la varie amitié qui traverse les décennies et les âges, les distances et les coups durs de la vie. Je pense surtout à mes deux amies d'enfance: Hafsa, actuellement mariée avec un petit garçon magnifique qui est entre la Tunisie et la France et Sabrina qui est à Paris et que j'essaie de voir régulièrement. Toutes les trois nous sommes un noyau solide indestructible par les vents qui soufflent sur les années.
Je repense pare exemple aux années magiques du collège et du lycée Chebbi, on était un petit groupe de copines qui débarquaient chaque matin ensemble. Il faut dire qu'au début, c'était papa qui me ramenait en voiture mais ceci n'a pas duré longtemps, je commençais à lui dire au début de me laisser un peu loin puis de ne plus m'accompagner du tout. Chaque matin, je partais de la maison, je passais chez Hafsa qui habitait à 5 minutes de chez moi, puis Imen T sa voisine, ensuite on retrouvait sur le chemin Imen Z puis Sabrina.
Pendant 7 années, on faisait cela presque tous les jours, on se retrouvait le matin pour se faire la bise et tracer le chemin vers notre lycée en rigolant, en se racontant tout.
On nous appelait les "Spice girls" au lycée: Sabrina était Mel C car elle était mate de peau et sportive, Imen T était Emma pour son coté bébé et fille sensible, Imen Z était comparée à Geri car elle était blanche et (sans doute on finissait par l'adopter) il y avait un petit peu de ressemblance, Hafsa était Mel B car c'était elle la "zaïma", la "chitana" de la bande, la nana qui se bagarrait dans la cour, qui faisait craquer les profs et qui prenait notre défense en cas de besoin. Hafsa était incontestablement ma meilleure amie et c'était grâce à elle en grande partie que mon coté sociable s'est développé. Quant à moi, j'étais Victoria pour mon coté fashion et "j'adore les fringues".
Je ne parlerai pas en détails des aventures que nous avions partagées dans la rue devant le lycée, cette rue riche en souvenirs, où dans la cour où nous avions nos premiers rendez-vous, où à Sousse ou Monastir où nous allions pour un week-end organisé par le lycée (je pouvais y aller car j'avais de bonnes notes). Je ne parlerai pas non plus des heures creuses que nous passions à récolter des sous (100 millimes) de nos amis mecs pour se prendre "sa7fa harissa", un très bon plat typique de Tozeur qui ressemble au lablebi mais avec beaucoup d'harissa en plus et différent, ni des pauses pendant le ramadan où nous supportions nos amis pendant le concours de football inter-sections (avec banderoles, chants, darbouka etc).
D'excellents souvenirs aussi dans notre maison où j'avais les copines qui passaient, où j'avais plein de monde pour mes anniversaires, où nous avions passé l'année du bac avec Ikhlas tous les jours: un soir chez moi un soir chez elle, pour bien travailler et être à jour. Cette année fut très riche en souvenirs comme les fois où on allait sur internet en cachette de mes parents pour chater, la "chenchena" qu'on a faite chez elle avec sa mère (rituel tozeurois consistant à manger un plat très salé, dormir et se réveiller en plein milieu de la nuit pour voir ce dont on avait rêvé et dont l'interprétation, selon la tradition, constituait notre avenir; moi j'avais rêvé que je prenais le bâteau et la mère d'Ikhlas me disait que j'allais épouser quelqu'un et m'installer à l'étranger; on verra peut-être un jour si c'est vrai). Bien sur, au début je ne voulais pas raconter cette "expérience" à ma mère, on ne peut plus scientifique puis j'ai fini par le lui dire.
Je crois que je repense à tout cela car j'organise bientôt à Tozeur dans notre maison, des "retrouvailles pour nos 30 ans" à la maison. Ce sera l'occasion de voir ce que chacun est devenu: les mariés avec enfants et les quelques célibataires (s'il en existe d'autres que moi :D ).

jeudi 4 octobre 2012

Le corps en France, l'esprit à Tunis...

Samedi 15 Septembre 2012
C'est le week-end, il fait beau, je suis avec des amis dans une villa en face de la mer.
Tous les ingrédients sont bons pour que je sois très contente et enthousiaste et pourtant...
Et pourtant je suis perturbée, contrariée car je pense aux évènements qui se sont passés hier en Tunisie. Je suis tellement triste d'apprendre qu'il y ait 6 morts en Tunisie!!!
Tout a commencé il y a 2 jours quand un film, "L'Innocence des musulmans", produit par un Israélo-américian Sam Bacile est diffusé sur la toile. Ce film, à connotation islamophobe on peut le dire, décrit le prophète comme un coureur de jupons, pédophile etc. Selon le réalisateur, ce film a pour but de mettre en avant "l'hypocrisie du monde musulman".
Bien sur tout de suite après, on apprend la mort de l'ambassadeur américain en Libye. Des manifestations de salafistes commencent alors à éclater en Egypte, au Yemen puis en Tunisie. Je sentais qu'on allait entendre parler de ceci partout sur les médias mais j'étais loin d'imaginer l'ampleur que cette affaire allait prendre.
Hier, vers 16h45 je charge la voiture avec les bagages, je passe prendre 2 amis pour partir en week-end.
Dans les embouteillages du vendredi soir, j'ai fait un petit tour sur twitter, j'ai alors observé des tweets pas très rassurants, l'ambassade américaine avait été envahie par des salafistes et il y avait des bombardements. J'ai contacte 2, 3 amis et j'ai alors compris que la situation était grave.
Une fois arrivée à la destination finale, je dis bonjour au reste de la bande puis je checke les information sur twitter. On parlait bien de 3 morts puis de 6 morts.
Ce que je ressens, c'est surtout cette amertume face à la régression que je suis en train d'observer en Tunisie, régression dans les droits des femmes, la violence, l'insécurité etc...
Mais mon coté optimiste va encore une fois primer et je dirai que je m'y attendais qu'on allait avoir des mois, des années difficiles après la révolution. Et puis on a quand même gagné beaucoup: la liberté d'expression, c'est incontestablement un grand pas vers l'avant que les tunisiens puissent s'exprimer, dire ce qu'ils pensent sans cette frustration qu'il y avait avant de "qu'on dira-t-on?", on a aussi appris à se connaître, nous tunisiens; avant, chaque classe de la société vivait dans son coin avec ses semblables sans se soucier des autres. On s'est en quelque sorte découvert.